FAST FOOD, SHORT SLEEP

Je me considère comme un ultra-cycliste, cycliste pratiquant du vélo de route sur de longues distances, en mode bikepacking. J’ai fait beaucoup de voyages à vélo, le Paris-Brest-Paris l’année dernière, et pour mon anniversaire (60 ans), je me suis offert une course : la Three Peaks Bike Race.
Rare course d’ultra distance à être maintenue, il y a eu beaucoup d’incertitudes, et entre ma chute peu avant Noël dernier où je me suis fracturé le poignet, et le covid-19, avec le confinement, les vols annulés, la réouverture des frontières et la confirmation de la tenue de l’épreuve au dernier moment, ça a été compliqué pour se préparer. Mais j’avais ça dans la tête, et malgré mon hésitation du début pour m’inscrire, je n’ai aucun regret de m’y être engagé.

Cette course dont c’était la 3ème édition, commençait de Vienne en Autriche le 25 juillet pour passer par le Grossglockner, le col du Sanetsch en Suisse, et le Mont Ventoux jusqu’à Nice. Chacun des participants en solo ou en duo, doivent faire leur propre itinéraire en dehors de ces 3 cols et le parcours final du Ventoux jusqu’à Nice est imposé, soient les 500 derniers kms. Course non-stop, sans assistance, c’est le premier qui arrive qui gagne.

Et celui qui gagne, c’est celui qui ne dort pas. Le munichois de 33 ans, Ulrich Bartholmoes, le vainqueur, finit en 3 jours, 23 heures et 23 minutes… L’ultra-bikepacking cède la place à l’ultra-non-sleeping…

Mon itinéraire à moi m’a fait faire 2120 kms pour près de 27000 m de dénivelé, j’ai grimpé une dizaine de cols (Grossglockner, Brenner, Arlberg, Oberalp, Furka, Sanetsch, Forclaz, Montets, Ventoux, Perty, Montagne de Lure, Ayen, Route des crêtes du Verdon, Saint-Barnabé). De grosses distances chaque jour, avec peu de récupération, en bivouac (mini matelas, sac de couchage dans sac couverture de survie) à la belle étoile, à l’exception d’une nuit (courte) d’hôtel la 3ème nuit non loin du Liechtenstein.

En haut de l’Edelweißspitze dans le brouillard, sur la haute route alpine du Grossglockner
Vue sur le barrage après le col du Sanetsch
Le Mont Ventoux. Le panneau a (encore) disparu cette nuit-là après mon passage !

J’ai fait la rencontre dans une petite station d’essence en bas du Grossglockner, où tard le soir, n’ayant rien à proposer à manger, le propriétaire m’a laissé son sandwich de midi, d’un garagiste suisse avant Andermatt, prêt à me laisser dormir dans son garage à l’abri de l’orage avec la grêle qui tombait fort avant que ça ne se calme, d’un petit restaurant à Sion où le propriétaire m’a quasiment offert à boire et à manger… Au pied du col de Perty, j’ai entendu dans mon sommeil un cerf bramer à côté de moi, j’ai vu beaucoup d’animaux sauvages, des paysages magnifiques, j’ai connu des conditions extrêmes, où on vit le moment présent, en pensant à s’alimenter et à s’hydrater avant d’avoir faim ou soif. On s’arrête à chaque fontaine, il a fait plus de 42° l’après-midi le jour où je passais à Saint-Léger-du-Ventoux, et il y a eu 4 jours de chaleur extrême et étouffante depuis Grenoble.

Lever du soleil sur le Furka Pass

Et puis, il y a une camaraderie entre les concurrents venus de 15 pays différents, et les monstres, ceux qui terminent en 4 jours, les scientifiques (ceux qui calculent, qui ont des stratégies de course), comme c’est rappelé dans l’excellent film “On board The Transcontinental Race” a contrario des poètes, les contemplatifs, pour qui la course est beaucoup plus dure.

Pour ma part, j’ai un peu calculé au début, contemplé pendant, mais pas si mal fini à la 46ème place, en 7 jours, 20 heures et 5 minutes, pas loin de mon objectif initial. A quelques orages prêts, et des erreurs de navigation, qui m’ont retardé, j’aurais pu faire mieux. Mais j’ai quand même privilégié la récupération, le corps s’adapte au rythme, le sommeil se gère, mais il faut se reposer au moins quelques heures avant de retrouver ses jambes et pouvoir rouler normalement.

Ça a été une semaine de pur bonheur, inoubliable, une aventure fantastique, avec le soutien de tous les gens qui m’ont suivi, je les remercie encore, et j’ai été fier de représenter mon club, l’AS Carnoux Cyclo et la ville de Carnoux-en-Provence.

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